CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE: Le bon et le mauvais de l'acte ministériel

Dernièrement, le tout nouveau ministre de la justice, Me Cheick Sacko, a rendu public (via les médias d'Etat notamment) un appel à candidature à l'intention des magistrats désireux de composer le Conseil supérieur de la magistrature. Depuis, dans le milieu de la justice guinéenne et de la société civile, les discussions sont plutôt animées. Il y en a, en effet, qui estiment que le ministre, en procédant de cette façon, ne s'est pas plié aux procédures légales prévues en la matière. Contacté par notre rédaction, Mohamed Camara, juriste constitutionnaliste pense qu'il faut savoir raison garder. Selon lui, l'acte du ministre Cheick Sacko est à comprendre de deux manières. Dans un premier temps, il faudrait, à l'en croire, y voire le signe d'une volonté politique qui avait jusqu'ici fait défaut. Mais ensuite, prévient-il, sur le plan de la démarche procédurale, l'intention du ministre pose quelques problèmes, au regard des dispositions constitutionnelles.

 

 

 

Sur le plan de la volonté politique, Mohamed Camara trouve que l'acte pris par le ministre Cheick Sacko a « le mérite de penser à la composition et déclencher le mécanisme d'installation du Conseil Supérieur de la Magistrature pour assurer la complétude progressive des organes.» Ce serait d'autant plus à saluer de ce point de vue que l'idée de la mise en place de cette instance est dans les placards depuis le début des années 90.

C’est, en effet, le 23 décembre 1991 qu'avec la promulgation de la loi organique n°10/CTRN que la préoccupation relative à la mise en place du Conseil supérieur de la magistrature, s'est formellement manifestée pour la première fois. Mais la volonté n'ayant pas été vraiment au rendez-vous, le rêve longtemps caressé, notamment par les professionnels de la justice ne s'était jusqu'ici pas concrétisé. Eu égard à ce long retard, Mohamed Camara pense donc que l'acte du nouveau ministre est à saluer.

Cependant, ce mérite se basant sur le fond pourrait bien être mis en cause par un certain nombre d'irrégularités se rapportant à la forme. Certes, le ministre peut, en concertation avec le président de la République, président de fait du Conseil supérieur de la magistrature, adresser une correspondance aux différentes structures devant composer l'instance en vue de les inviter à désigner ou élire leurs représentants. Mais cette invitation ne doit être ni globale, ni même centrée sur les cours d'appels, dans la mesure où, précise notre interlocuteur, « deux membres des Cours d'Appel seront simplement désignés et non élus comme membre du Conseil Supérieur de
la Magistrature ».

En gros, le communiqué du ministre serait relativement en porte-à-faux avec les dispositions de l'article 112 de la charte (constitution) nationale parce que, selon Mohamed Camara, il donne l'impression que « le 10 mars prochain, ce sont tous les membres du CSM qui seront élus, vu qu'il mentionne « la date limite de dépôt de
candidatures aux Présidents des Cours d'Appel en fusionnant ainsi le corps électoral »
 C'est d'autant plus équivoque que l'article 112 en question est ainsi disposé :

* Le Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par le Président de la
République comprend 17 membres :

·         *Le Ministre de la Justice, Vice-président ;

·         *Le Premier Président de la Cour Suprême ;

·         *Le Procureur Général près la Cour Suprême ;

·         *Un Premier Président de Cour d'Appel désigné par ses pairs ;

·         *Deux Magistrats de la Cour Suprême élus en Assemblée générale de
ladite Cour ;

·         *Un Procureur Général près la Cour d'Appel, désigné par ses
pairs,

·         *Un Magistrat de l'Administration centrale du Ministère de la
Justice, désigné par ses pairs

·         *Six Magistrats élus en Assemblée générale des Cours d'Appel ;

·         *Un Président de Tribunal de première instance, désigné par ses
pairs ;

·         *Un Procureur de la République, désigné par ses pairs

Comme on le voit ici, il ne revient surtout pas au ministre de la justice d'organiser le mécanisme de désignation interne ou d'élection interne des entités intéressées, encore moins de lancer un appel à candidatures en lieu et place des Présidents desdites juridictions.

Dans le meilleur des cas, il ne peut que, selon le juriste, « faire un courrier et l'adresser aux différentes entités en indiquant l'objet et la date limite avec renvoi à la Loi Organique 055 indiquée ci-dessus par souci de respect des indications légales et se protéger contre toute velléité d'immixtion ou de vice de procédure pour la mise en place de cet important organe pour notre justice. »

A défaut de se conformer aux dispositions de la constitution, Me Cheick
Sacko pourrait alors nuire à sa noble intention de mettre, enfin sur pied, cet organe qui a tant manqué à la justice guinéenne. Il le sait d'autant qu'il n'ignore pas qu'en matière de justice la forme prend le dessus sur le fond et que, par ailleurs, sur la foi de la constitution guinéenne, « Toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraires à ses dispositions sont nuls et de nul effet.»

Boubacar Sanso Barry pour GuineeConakry.info

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