GRANDE INTERVIEW / Bah Mamadou Lamine dit: "Nous avons les données météo de la Guinée depuis 1897! "

M. Bah Mamadou Lamine, Directeur Nationale de la Météorologie, analyse en exclusité pour GCI, la situation pluviométrique de la Guinée en 2010. Une saison particulièrement arrosée...

Des inondations, des pertes en vies humaines, des dégâts de toute nature. Grande interview... 
GCI : Quels sont les phénomènes météorologiques qui causent le plus de problèmes à la Guinée?

MLB : En Guinée comme la plupart  des pays de la zone tropicale, l'élément météorologique le plus déterminant pour le climat est la pluviométrie. Elle est la mesure des quantités d'eau tombées et est exprimée en millimètre (mm). Un millimètre d'eau équivaut à un litre réparti uniformément sur une surface d'un mètre carré ou 1000 tonnes au kilomètre carré.

GCI : Etes-vous en relation avec la base plus précisément à ‘intérieur du pays et comment vous parvenez vous à remonter les données ?

MLB : Dans notre pays, la pluviométrie est mesurée sur 100 stations et postes d'observations. Les résultats des observations sont transmis à la Direction Nationale de la Météorologie (DNM) par radio, téléphone et ou par poste. Après traitement et analyse, les données sont archivées. Actuellement, la DNM dispose d'une banque de données historiques sur les éléments climatiques du pays de 1897 à aujourd'hui. Régulièrement, une analyse de ces données est faite par décade, mois ou an, pour répondre ainsi aux besoins des usagers des différents secteurs socioéconomiques de la nation, notamment, ceux qui s'occupent des ressources en eau, de l'énergie, de l'agriculture, de la santé, de l'urbanisme et habitat, des travaux publics, des transports, etc.

GCI : Quand est-ce les premières pluies ont commencé à tomber cette année en Guinée ?

MLB : Les pluies ont commencé à tomber dans la majeure partie du pays en fin février début mars à l'exception de la Guinée Forestière. Exceptionnellement cette année, des quantités de pluies très significatives ont été enregistrées durant le mois d'avril dans tout le pays. Ainsi pendant ce mois on a notamment mesuré 211,3 mm à Mamou, 191,8 à Kindia, 90,4 à Dalaba, 63,5 à Dubréka et 79,6 à Faranah. La véritable saison hivernale s'est installée dès la fin du mois d'avril. En mai pratiquement, tout le pays était suffisamment arrosé.

GCI : Qu'est qui explique votre déficit de communication, par exemple entre les populations paysannes et votre direction

MLB : Cela s'explique simplement, soit par manque d'agents sur le terrain ou par manque de moyens de communication.

GCI : Depuis le début de la saison des pluies jusqu'à aujourd'hui,  combien de millimètres cube d'eau sont tombés sur Conakry, ainsi que dans les différentes régions administratives...?

MLB : A l'issue de l'analyse, il est ressorti qu'à la date du 31 juillet 2010 sur l'ensemble du territoire national, il a été recueilli des hauteurs d'eau comprises entre 304,8 mm à Koundara, et 1764,8 mm à Dubréka. Pour la même période, on avait observé 385,8 mm en 2009 à Koundara et 1397 à Coyah. Les valeurs moyennes de 30 ans sont respectivement de 433,6 à Koundara et de 1644,1 mm à Conakry. Exceptionnellement, la préfecture de Dubréka a enregistré plus de pluie (1764,8mm) qu'à Conakry (1558,4mm) cette année.

GCI : Quelles comparaisons pluviométriques de cette saison par rapport aux années passées, et quelles leçons en tirez-vous?

MLB : Par ailleurs, l'analyse comparant l'année 2010 par rapport à l'année 2009, révèle un faible déficit au nord-ouest de Koundara et à la frontière sud avec la Sierra Leone. Le reste du pays est normal voire largement excédentaire. Le plus fort excédent est enregistré vers le nord entre Tougué et Mali ou l'excédent atteint +75%. Comparée à la moyenne de 30 ans (1970-2000) on note une vaste zone déficitaire sur toute la partie est du pays de l'axe Duiguiraye-Dabola-Faranah à la frontière avec le Mali (côté est) à Macenta-Beyla (côté sud). Du côté ouest, le déficit s'étend de la bande Boké-Mali avec la Guinée-Bissau.

GCI : Depuis le début des pluies cette année jusqu'à nos jours, est-ce que la pluviométrie a causé des dégâts importants sur le territoire guinéen ?

MLB : En effet, à Fria, une personne a été tuée par la foudre le 26 mai. A Labé dans la sous préfecture de Anou dans la nuit du 16 au 17 juillet, à la suite d'un orage, une forte chute de grêle a endommagé plusieurs maisons et cassé des vitres de véhicules, tué des animaux et détruis les récoltes. Les grands vents ont emport de nombreuses toitures et arraché des arbres dans plusieurs localités.   

A Conakry, les orages du début de juin ont provoqué d'importants dégâts matériels au niveau de la ville. Des infrastructures du stade de Nongo en construction ont subi des dégâts importants. Les fortes pluies de juin, juillet début Août, ont provoqué des inondations dans certains quartiers de la ville. Des pertes d'hommes par noyade ont été signalées.

A Coyah, les glissements de terrain ont bloqué la circulation au niveau de la forêt de Kaka et provoqué des accidents le long de la voie ferrée de CBK et occasionné la perte de nombreux wagons.


GCI: Qu'est-ce qui est à la base du caractère orageux et violent des averses à en juger par l'intensité de la grêle observée à Labé et le nombre de décès et d'inondations enregistrées, notamment,  en Guinée et voire de par le monde ?

MLB : Les anomalies enregistrées dans notre pays sont étroitement liées aux phénomènes de changements et variabilité climatique qui se manifestent à travers le monde. Actuellement, le climat de la planète est dominé par la présence au cours de 12 derniers mois d'un puissant phénomène El Nino (Elévation de la température de la surface de la mer dans la partie Equatoriale de l'Océan Pacifique). Ce phénomène est comparable à celui qui avait été observé en 2003, où plusieurs dizaines de milliers de décès ont été enregistrés en Europe et ailleurs. L'ampleur du phénomène peut être jugée par les inondations observées au Pakistan, en Inde, en Chine et dans plusieurs pays d'Europe et d'Afrique notamment, au Tchad, en Mauritanie, au Burkina Faso et en Ouganda. Les feux de forêt causés par la canicule observée en Europe de l'est notamment en Russie, en sont une illustration.

GCI : M. le Directeur, selon mes constats, je remarque que votre, la météo,
secteur, est plutôt marginalisé, ou voir même oublié par les autorités, et pourtant... Qu'avez-vous entrepris pour changer le sort de votre direction?

MLB : Et pourtant, sans la météo, la mobilité et la fonctionalité es humains et de la nature seraient tellement compromises. Mais, comme il se doit, la Direction Nationale de la Météorologie continuera de surveiller l'évolution du temps et du climat pour fournir les informations nécessaires aux décideurs et usagers des différents secteurs socioéconomiques. C'est dans ce contexte que 200 paysans ont été formés et dotés d'appareils de mesures de la pluie dans leur zone d'exploitation pour une meilleure adaptation de notre agriculture aux variabilités et changement climatiques.

GCI : Merci monsieur le directeur pour votre entière disponibilité

Propos recueillis par Lamine Camara pour GuineeConakry.info

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