LANSANA CONTE

LANSANA CONTÉ est d'origine modeste: de l'ethnie soso, de religion musulmane, il a commencé son éducation dans une école coranique locale, puis à l'école primaire de Dubréka, avant de poursuivre cette éducation à l'étranger, d'abord en Côte d'Ivoire, à l'école militaire préparatoire Bingerville, ensuite au Sénégal, au collège militaire de Saint Louis...

Depuis lors, il a connu une carrière militaire brillante, parcourant tous les échelons, du simple soldat au grade d'Officier général:

En juin il est engagé au service de l'Armée française, en Algérie.

En décembre 1958, à l'accession de son pays à l'indépendance, libéré de la colonisation de la France, il rentre au pays pour intégrer les rangs de l'éclatante Armée guinéenne, avec les gallons de sergent.

En 1962, il est transféré au centre d'instruction d'artillerie du 2ème Bataillon basé à Kindia, après avoir quitté l'Ecole pour fonctionnaires de camp Alpha Yaya, à Conakry. En 1963, il passe sous lieutenant et, en 1965, lieutenant. En 1968, il a pris son service à l'arsenal Zérékoré avant de réintégrer, une année après, son bataillon à Kindia.

En mai 1970, devenu Capitaine, il fait son entrée à l'Etat – major général interarmées uni de Conakry, et en novembre de la même année, il participe à la défense de la capitale contre l'invasion des mercenaires venus de la Guinée portugaise (actuelle Guinée Bissau), prétendant renverser le régime dictatorial d'Ahmed Sékou Touré au pouvoir depuis l'indépendance.

En juin 1971, à titre de colonel, il est désigné commandant de la 5ème Région militaire de Boké ; et, en cette qualité, il prête assistance aux guérillas indépendantistes de la colonie portugaise.

Assoiffé des connaissances, en 1974, il se rend dans la capitale biélorusse de Minsk, en URSS, pour un cours technique. En mai de l'année suivante, il est promu Commandant adjoint de l'Etat - major de l'Armée de Terre.

S'intéressant à la politique et à la diplomatie de son pays, En 1977, il a conduit la délégation guinéenne dans les négociations en vue de résoudre le conflit frontalier opposant la Guinée Conakry à la Guinée Bissau. En 1980, il a obtenu la députation dans la liste unique du Parti Démocratique de Guinée.

Avec la complicité et le respect de l'armée nationale, le 3 avril 1984, soit une semaine après le décès du Président Sékou Touré dans une clinique de Cleveland, aux Etats-Unis, il devient Président de la République, à l'issue d'un coup d'Etat réalisé sans effusion de sang. Ce coup d'Etat a été accueilli avec allégresse par la population et la grande diaspora guinéenne (environ 2.000 000 personnes).

 

Ainsi, le 05 avril, il est proclamé Président de la IIème République. Dans ses premiers actes majeurs, l'on cite la formation du comité militaire de récupération nationale (CMRN), la dissolution du PDG et de l'Assemblée nationale, la suspension de la constitution et la libération d'un millier de prisonniers politiques.

Homme de décisions, il décrète, le 23 mai, que le pays cessait d'être appelé République Populaire Révolutionnaire de Guinée et le baptise de l'ancien nom qu'il portrait à l'indépendance en 1958, la République de Guinée. Ayant dénoncé le régime déchu d'être « une dictature inhumaine et sanglante », il n'a pas versé dans la persécution générale, comme on pouvait le craindre, par contre, plein de magnanimité, il a gracié, le 15 mai, une trentaine de ministres, officiers de l'armée et hauts fonctionnaires loyaux à Touré, qui avaient été arrêtés le jour du coup d'état.

Bref, une rupture de style avec l'ordre précédent parce que Lansana Conté s'est fait entouré des jeunes fonctionnaires, qui avaient en commun leur formation en URSS et un sens des réformes nécessaires au pays, contrairement à la vieille garde de fonctionnaires épuisés dans les guerres d'Algérie et d'Indochine, en compagnie de l'Armée française...

Son nouveau pouvoir n'aura de véritables ennemis que de l'intérieur: pour résoudre un conflit l'opposant à son premier ministre, Diarra Traoré, son ancien compagnon putschiste, il supprime le poste de la primature, le 18 décembre, reléguant cet ami au Ministère de l'Education.

Le 04 juillet 1985, pendant qu'il assistait à un sommet de la CEDEAO, dont il avait hérité la présidence annuelle, à Lomé, au Togo, Diarra Traoré en a profité pour perpétrer un coup d'Etat. Le retour précipité du Président fit tourner cette initiative en échec, entraînant l'arrestation et l'exécution des conjurés. Le lendemain, 05, saisissant cette occasion, il est t proclamé Général de Brigade (et plus tard en avril 1990, il a adopté le grade de Général de corps d'Armée).

Il faut dire que cette exécution des conjurés a conféré une connotation ethnique au conflit, puisque Traoré, tout comme Sékou Touré, était un malinké, et qu'il avait maintenu la vision pro-occidentale modérée inaugurée par Touré durant les dernières années de sa présidence. Cette vision a été changée pour un modèle économique libéral qui a reçu l'approbation du FMI et qui a ouvert les portes à la concession d'importantes aides financières et la remise d'une partie de la dette extérieure.

Prudent, il amorce un processus transitionnel, en 1990, alors que la majorité des pays de la région sont dominés soit par des formations militaires soit par un parti unique, d'une durée de 5 ans, pendant laquelle aucune interférence de l'opposition civile n'est admise, comme l'a prouvé la répression violente des quartiers contestataires de septembre 1991.

Depuis lors, de grands changements sont arrivés. Le 23 décembre 1990, la loi fondamentale est adoptée par référendum ; le 16 janvier 1991, le CMRN est remplacé par le Comité Transitaire de Récupération Nationale (CTRN présidé et composé à partie égale par civils et militaires) ; le 3 avril 1992, la loi consacrant le pluralisme politique est promulguée ; le 19 décembre 1993, dans un climat de violence et de confusion, avec le boycottage préconisé par quelques formations politiques, sont organisées les élections présidentielles, qu'il remporte, avec 50,9% des votes, devant Alpha Condé, du Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG), et de Mamadou Bah, de l'Union par la Nouvelle République (UNR).

Poursuivant les réformes, il dissout le CTRN et devient, en tant que civil, Président de la République pour un mandat de cinq ans. Il a ainsi suivi l'exemple d'autres officiers militaires qui, comme lui, sont arrivés au pouvoir par voie de force durant les années quatre-vingts et qui, une décennie après, se sont reconvertis en présidents civils avec légitimité constitutionnelle, tels Blaise Compaoré, le Burkinabé, Jerry Rawlings, le Ghanéen, ou plus récemment, Yahya Jammed, le Gambien et Ibrahim Baré Maïnassara, le Nigérien, dont le passage au pouvoir fut dramatique.

Le 11 juin 1995, son parti politique, le Parti pour l'Unité et le Progrès (PUP) remporte les élections législatives, les premières élections multipartistes dans l'histoire du pays, en gagnant 71 sur 114 sièges. L'opposition a rejeté ces résultats, alléguant la fraude, dénonciation partiellement renforcée par les observateurs internationaux qui ont admis l'existence des irrégularités, mais pas de nature à affecter les résultats finaux.

Aux secondes élections présidentielles du14 décembre 1998, il est réélu Président de la République, une réédition de 1993, a-t-on dit: 54,1% des votes, sur un fond d'intimidations et d'opacité d'informations. Il faut dire que cette réélection de Lansana Conté, avant Bah et Condé qui occupaient, inversément aux premières élections, le deuxième et le troisième postes, n'a pas plu et a été timidement critiquée par les observateurs internationaux.

Les élections ont démontré à nouveau l'alignement du vote selon des critères ethniques, puisque les Sussus (20% de la population) ont été mobilisés par Ai Compté, les Malinkés (30%) par Comte et les peuhls (40%) par Bah.

Sa politique extérieure, il la mène selon les conflits frappant les pays limitrophes et ceux membres de la CEDEAO, pendant les années quatre-vingt-dix, entraînant des perturbations des flux commerciaux:

Le 23 octobre 1997, il préside, à Conakry, un accord de paix entre les militaires putschistes de Sierra Leone et la CEDEAO, destiné à restituer au poste le Président civil renversé qui avait été accueilli en Guinée, Ahmad Teejan Kabbah. La négociation ayant échoué, les troupes de la CEDEAO ont dû appliquer l'accord manu militari, jusqu'à obtenir la prise de Freetown et le retour triomphal, le 10 mars 1998 de Kabbah, accompagné par Lansana Conté et d'autres Présidents de l'Organisation.

En juin 1998, il envoie, tout comme le Gouvernement sénégalais, un contingent en aide au Président de Guinée Bissau, Joao Bernado Coquille Saint-Jacques, qui faisait face à sa rébellion militaire.

En novembre 1998, à Conakry, avec Kabbah et le Président libérien, Charles Taylor (celui qui, à plusieurs reprises, a accusé le Gouvernement guinéen d'accorder un appui logistique aux incursions armées des rebelles depuis le territoire guinéen), il signe un traité de grande importance destinée à réduire les tensions politiques régionales et à renforcer la coopération économique entre les trois pays, qui, en marge de la CEDEAO, composent un forum de consultation intergouvernemental, l'Union de la Rivière Main.

Cette collaboration a été éprouvée en septembre 2000. Lorsque des troubles aux frontières guinéennes dus à des bandes d'insurgés provenant de deux pays ont dépassé l'armée de la Guinée qui ne parvenait pas à les contenir. Devant la gravité des incursions, la CEDEAO a décidé, en décembre, d'expédier des troupes des quatre pays membres pour assister l'Armée guinéenne. Mais, en félin, Lansana Conté, a décliné cette offre, et réglé la question de façon radicale, avec une stratégie militaire qui a étouffé la rébellion dans l'œuf. Depuis tant bien que mal, il a réussi à maintenir la Guinée hors de l'œil du cyclone. La formation de rangers avec l'appui des USA, a consolidé l'action de l'armée nationale dans la lutte contre la déstabilisation du pays.

Réélu, malade, en 2003, Lansana Conté connaît un mandat difficile, avec la pauvreté chevillée au corps des populations. Une situation aggravée par une récession sans précédent amplifiée par un franc guinéen glissant. Le ‘'président-paysan'' devra encore prouver au monde et a ses inconditionnels que bien que malade, il a les ressorts et les secrets, pour s'en sortir et ouvrir les chemins de l'espoir au peuple. L'opposition n'y croit plus et les autres… en doutent.

Celui que l'histoire considérera comme le "père de la démocratie guinéenne", traverse donc des moments difficiles. Mais les énormes richesses du pays seront certainement le salut de tous.

 

Jean-Emmanuel

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