
Sans nécessairement le dire, le ministre Traoré se présente comme victime d’une campagne de déstabilisation. Et, implicitement, il soupçonne son prédécesseur, Bah Ousmane. En sorte qu’on ne sait pas qui a fait quoi ?
D’autant plus qu’il y a un troisième dont on ignore le rôle dans cette rocambolesque affaire, où il est question d’un enjeu de plusieurs milliards de GNF. Il s’agit de Benjamin Sandouno, directeur national de l’entretien routier (DNER). Une chose demeure certaine cependant, les documents incriminant l’ancien directeur du FER portaient la signature de ces trois personnalités. Ce qui les engage collectivement comme responsables du scandale aujourd’hui dénoncé.
De plus en plus, l’effectivité de la surfacturation est admise. Les documents désormais à la disposition des médias étant des preuves irréfutables. Mais justement, la question est de savoir comment et pourquoi l’affaire est-elle aujourd’hui exposée sur la place publique ? Parce qu’en réalité, la fuite semble avoir été consciemment provoquée.
Quelqu’un avait vraisemblablement intérêt à ce que le scandale éclate. Mais à quelle fin ? Est-ce pour des raisons patriotiques ou politiques ? Ou bien serait-ce une forme de règlement de comptes ?
En attendant de connaître les réponses à ces questions, chacun des protagonistes emploie une stratégie de défense qui lui est spécifique. Pour l’ancien ministre, Bah Ousmane, la solution réside dans le silence. En effet, depuis le début de l’affaire, personne ne l’aura entendu. Il fait comme s’il n’était pas concerné. Alors que, comme on le disait précédemment, il se trouve engagé par le fait d’avoir apposé sa signature au bas des documents portant les montants surévalués. Benjamin Sandouno, de son côté, dit qu’il avait signé sans s’en rendre… Mais cet argument en soi n’est pas particulièrement solide. En effet, il serait assez révélateur du fonctionnment de l’administration guinéenne en général et de celle de la DNER en particulier. Ce qui ne permet pas de disculper le directeur qu’il est.
Enfin, Mohamed Traoré a une ligne de défense à deux niveaux. C’est du moins ce qui se dégage de la prise de parole qu’il a faite lors de l’Assemblée générale du RPG-arc-en-ciel de samedi. Sans nécessairement nier les faits en tant que tels, il pointe subtilement un doigt accusateur sur son prédécesseur : « Le Fonds d’entretien routier (FER) ne monte pas les marchés publics. Tous les contrats sont établis au niveau de la direction nationale de l’entretien routier sous l’instruction du ministre d’Etat chargé des travaux publics et des transports ».
Ne s’arrêtant à ce niveau, le nouveau ministre essaie également de donner les raisons de ce qu’il semble assimiler à une cabale contre sa personne. Conscient du caractère fructueux de l’ethnostratégie, il l’utilise à souhait : « rien n’a été fait en Haute Guinée et en Guinée Forestière. Pourtant, nous sommes responsables des routes de Conakry à Yomou. Si on a un franc, on doit le répartir sur tout le territoire national. Mais je ne suis pas prêt qu’on me dise qu’il faut le mettre en un seul lieu. Quand vous prenez les routes, il y a 43.000 kilomètres pour tout le pays. La Haute Guinée et la Guinée Forestière possèdent les 55% de cette distance. Mais, quand il y a des investissements, on n'accorde que 6% à ces deux régions. Je vous assure que cela changera et ça changera, je serai à la hauteur de combler votre espoir ».
Dans ces propos, on se rend bien compte que le ministre s’adresse davantage à des militants qu’à des citoyens. C’est comme s’il était venu chercher le soutien des siens.
GCI suit pour vous.
Fodé Kalia Kamara pour GuineeConakry.info
Photos : georgeslemmer.wordpress.com